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  • Photo du rédacteurJMM

VIN ORANGE

Tu connais l’arc en ciel que composent les différentes robes du vin : rouge, rosé, blanc, jaune peut être gris mais sais-tu qu’elles existent en orange ?

Pour ma part, je l’ai découvert non dans sa patrie d’origine, l’Arménie ou la Géorgie, mais dans un petit restaurant sur les rives du fleuve Amour à quelques jours de route de Samarcande.

Un pays où l’on perpétue des pratiques de vinification millénaires. Celle-ci par exemple. Lorsque dans une famille l’enfant parait on remplit des amphores de grappes de raisin, on les scelle puis on les enterre. On ne les déterre que lors du mariage de cet enfant.

N’ayant pas été invité à de telles réjouissances, j’imagine qu’il y a d’heureuses surprises comme il peut y avoir de profondes désillusions. Y voit-on un présage plus ou moins heureux pour ce mariage ? Je l’ignore.

Avant de revenir à notre affaire, la découverte du vin orange, je t’en dis un minimum à son sujet pour ne pas écorner ton plaisir de le découvrir. Ce qui l’a gravé dans ma mémoire c’est que mes yeux me disaient c’est un blanc alors que ma bouche prétendait que c’était un rouge. Frappant ! Où te le procurer si tu veux le déguster ? Chez un caviste amateur de vins rares. L’authentique, le seul, le vrai est géorgien, vinifié selon la tradition, en amphores enterrées, avec macération ultra longue à partir d’un cépage traditionnel le khikhvi.

Mon ampélographe préférée étant muette à son sujet je le suis aussi. Second choix un vin orange de Géorgie vinifié en cuve inox à base de plusieurs cépages tous géorgiens. Troisième choix un vin orange français ce qui est de moins en moins rare. De plus en plus de vignerons s’y mettent certains poussés par le réchauffement climatique.

Cap à l’est, retrouvons-nous en Géorgie. De même remontons le temps de quelques 8 à 9 000 ans. Nous sommes alors bien en amont de l’histoire tourmentée de ce pays qui a eu la mauvaise idée de s’implanter au milieu d’empires turbulents. A cette lointaine époque, celle de la naissance de la cuisine et du vin, les hommes qui peuplaient ce pays ignoraient qu’ils deviendraient des Géorgiens. Ils s’en moquaient. Leur grande affaire était le jardinage, la cuisine et … le vin.

Ils avaient compris qu’il était moins aléatoire de faire pousser puis de récolter un légume que de courir après un lapin de garenne. Si se courber vers la glèbe leur valait quelques courbatures c’était en revanche l’assurance d’une alimentation plus accessible. J’ai cherché. Je n’ai trouvé que très peu d’informations sur ces activités nouvelles et en particulier sur celle concernant le vin. A ma connaissance des archéologues ont découvert dans une grotte géorgienne quelques pépins de raisin et des tessons d’amphore datant d’il y a plus de 8 000 ans. Ces tessons présentaient des dépôts qui prouvent qu’ils avaient contenu du vin.

A partir de ces maigres indices j’ai imaginé le conte que voici :

« Il était une fois un couple, les Curie des premiers âges, de la cuisine et du vin. Pierre s’adonne aux joies du jardinage depuis que sa tribu s’est convertie à cette activité mais il n’a pas totalement renoncé à ses activités de chasseur cueilleur. Marcher en forêt en entendre les bruissements, les chants d’oiseaux, en respirer les odeurs, voir les rais de lumière filtrés par les feuillages transpercer la pénombre le rend heureux. Par un bel après-midi d’automne il s’en va muni de son arc, son carquois à l’épaule, un large panier à la main. Sa bonne connaissance des lieux lui permet de rapidement garnir son panier de belles grappes. Il revient à pas feutrés vers son logis quand il aperçoit un lapin qui ne l’a pas entendu. Prestement il pose son panier se saisit d’une flèche, bande son arc et transperce l’infortuné lapin. Lesté de ses trophées Pierre rejoint Marie qui se réjouit devant de tels trésors. Elle choisit deux belles grappes pour le repas du soir en grapille quelques grains puis se demande quoi faire des autres. Le hasard lui met à portée de main une amphore dans laquelle elle place le reste des raisins la ferme et l’oublie. Pendant ce temps Pierre a découpé le lapin et le lui remet. Elle décide de l’accommoder avec des fèves. Dans son récipient en terre cuite sur son feu de bois, bien qu’elle fasse de son mieux, ça attache un peu. Elle pressent que ses lointains descendants disposeront de moyens plus pratiques pour réaliser des cuissons maitrisées. Résignée elle se dit qu’un râble et des fèves un peu caramélisés ne sont pas dénués d’intérêt. Effectivement Pierre se régale en savourant sa préparation. Elle vient d’inventer la cuisine plaisir. Quelques temps plus tard, chassé par des pluies torrentielles, Pierre revient bredouille de son escapade forestière, pas la moindre grappe. Marie se souvient alors de son amphore, se précipite vers elle et constate que du jus s’est libéré des grains et bouillonne. Avec Pierre ils décident d’attendre pour voir. Quand le tumulte cesse ils goûtent et trouvent que c’est tout à fait buvable. Ils invitent quelques amis à goûter à leur tour ce breuvage et tous le trouvent bon. Mieux après quelques lampées ils constatent que les langues se délient, que les échanges deviennent plus chaleureux, que la convivialité s’installe. Quelques audacieux ou curieux poussent plus loin l’expérience. Ils ignorent que dans son échoppe à l’enseigne de l’Assommoir l’homme au marteau les guette qui leur réserve un réveil pénible. De cette expérience ils déduisent qu’il faut user mais pas abuser. Ils viennent d’inventer le commandement : « à consommer avec modération ». Nous en sommes toujours là. S’exonérant des réticences qu’aurait pu engendrer cette mésaventure Pierre, en véritable Léonard de Vinci de la préhistoire, mobilise ses amis qui vont dans la forêt ramasser un maximum de raisins. Ils viennent d’inventer la vendange. Sur les instructions de Pierre ils placent les grappes dans des amphores que par précaution ils scellent puis enterrent pour les tenir debout. Ils viennent d’inventer la vinification et la macération carbonique chère au Beaujolais et donc de découvrir le vin. Quelques jours plus tard Pierre constate que les bouillonnements ont commencé. Pris par d’autres occupations il ne revient vers les amphores qu’après plusieurs semaines. Les bouillonnements ont cessé. Il invite ses amis à reprendre leurs dégustations. Cette fois, les sorties forestières de Pierre ayant été plus fructueuses, pour accompagner ces dégustations Marie s’est fait un plaisir de préparer son ragoût. Ils se passionnent, cherchent quel vin se marie le mieux avec le plat. Ils viennent d’inventer le repas gastronomique et l’accord mets vins. De fil en aiguille Pierre en vient à demander à ce qu’on trie les raisins pour chaque amphore en fonction de leur variété et de leur robe. Il vient d’inventer la notion de cuvée. Pensant qu’il y avait mieux à faire qu’à courir la forêt pour trouver des raisins, sport toujours incertain, il décide que comme ils savent planter des légumes ils peuvent planter des vignes. Il vient d’inventer la viticulture. Pierre, Marie et leurs amis viennent d’inventer l’une des plus nobles professions qu’il est donné à l’homme d’exercer : celle de VIGNERON. Riches de ces expériences Pierre et Marie vécurent heureux et eurent beaucoup de petits vignerons, vigneronnes »

Comme tu l’as compris le vin orange n’est pas autre chose qu’un blanc vinifié comme un rouge avec une macération particulièrement longue. Comme il est discret par nature, qu’aucune grande institution religieuse ne l’a baptisé qu’aucun grand roi ne l’a honoré de son sceau, ce vin orange est resté méconnu. Peut-être est-il au moins aussi ancien que le commandaria que j’ai, sur la foi d’avis d’experts, annoncé comme étant le plus ancien. Pour la commodité du récit j’ai opté pour la Géorgie au motif que je crois que c’est là qu’on a trouvé les plus anciennes traces de vin. De la même manière j’ai présenté les nombreuses inventions prêtées aux Géorgiens comme animées par un seul homme et s’enchainant sans discontinuer en un laps de temps réduit mais il est permis de penser qu’il a fallu des dizaines, des centaines possiblement des milliers d’années pour découvrir l’ensemble du processus qui fait que le jus de raisin devient vin. Donc il m’est impossible de dater la naissance de ce vin orange. Quand a été arrêtée puis reproduite à l’identique sa recette ? Mystère. Encore une précision, la dernière, je sais que les Ecritures attribuent à ce bon Noé le mérite d’avoir planté la première vigne mais je manquais de matière pour la suite de la construction de mon conte.


Désormais la balle est dans ton camp. J’en ai déjà parlé plus haut mais maintenant je te conseille de te procurer une bouteille de ce vin, de la goûter, pourquoi pas avec un ragoût de lapin ? Puis de me communiquer ton ressenti par le canal des commentaires. Merci et bonne dégustation.

Le Petit Barde Breton.


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